Partie 1 (25/08/12)La Fille du Seigneur de l'Hiver (partie 1)4 heures (cumul: 4 heures)
Joueurs: Asturiel - Grimbergen le guerrier nain
Enkidou - Gewurz le rôdeur haut elfe
Moïse - Poliakov le voleur demi-orc
Après avoir fait connaissance dans les geôles d'une prison pour un crime qu'ils n'ont sans aucun doute point commis, Grimbergen le guerrier nain, Gewurz le rôdeur haut elfe et Poliakov le voleur demi-orc décident de s'échapper puis de lier leur destin en suivant la même route. Un marchand rencontré en ville propose aux aventuriers de voyager de concert, promettant salaire et couvert à ses heureux protecteurs. Sa destination est la province d'Arsheim. Celle-ci connaît un hiver tardif et les réserves diminuent ce qui fait le bonheur des marchands de blé…
Après quelques jours de trajet dans le plus grand calme, ce qui a permis à l’équipe de faire mieux connaissance avec le marchand, les aventuriers quittent de larges plaines à la douceur printanière pour plonger subitement dans le froid, en traversant un pont sur une petite rivière. Ils viennent de pénétrer la province d’Arsheim et comme le marchand, prénommé Klaus, pourra leur signaler, cette rigueur hivernale aussi tard dans l’année n’a rien d’habituel. Alors que les champs tout juste traversés baignaient dans le soleil du printemps, les terres au-delà de la rivière sont glacées et la différence se renforce à l’approche des bois de Solens dont les arbres portent encore de la neige. En s’enfonçant plus avant dans la forêt, les sous-bois révèlent une végétation en sommeil et l’omniprésence du givre sur les branches nues, l’herbe jaunie et les arbustes persistants. Sur la vieille route pavée à demi-couverte de mousse, de traîtres plaques de verglas peuvent surprendre l'imprudent. Quelques jours séparent le groupe de leur destination, la bourgade de Vercé¬lise, nichée au plus profond de la province, dans une vaste plaine verdoyante au-delà de la forêt. Ce soir, une halte est prévue dans une auberge relais où Klaus a ses habitudes, le Cœur des Bois. Si l’escorte s’est parfaitement déroulée jusqu’alors, le danger commence ici car une bande de brigands tristement notoire sévit depuis longtemps dans la région d’Arsheim. La vigilance est de mise et le marchand demande aux aventuriers de s’organiser autour de son lourd chariot pour mieux le protéger. Pourtant, la menace redoutée ne viendra pas des brigands. Après une journée de marche, le soir tombant, les bois se taisent progressivement autour du groupe et la neige vient diminuer la visibilité. Un rugissement retentit soudain derrière les aventuriers et une meute de gobelins montés sur des loups se rue sur le convoi. Klaus fouette ses bêtes pour leur faire accélérer l’allure tout en hurlant ses ordres: « Ralentissez-les, nous ne sommes plus loin de l’auberge. Il nous faut seulement quelques minutes ! ». Une terrible poursuite s’engage alors dans les bois. Des « gobs » montés assaillent les aventuriers, d’autres sautent depuis les arbres proches dans le chariot et doivent en être délogés. Alors que Grimbergen descend du chariot pour barrer la route aux monteurs de loups, Gewurz et Poliakov se débarrasse des peaux vertes qui s'accrochent au chariot. Alors que le groupe est sur le point de perdre l’avantage à cause du renfort de gobelins montés, que les chevaux épuisés tirant le chariot brinqueballant tentent vainement de forcer l’allure, une brusque augmentation de la luminosité et les vivats du marchand apprendront aux aventuriers que la délivrance est proche. Entrant en trombe dans une vaste clairière, les aventuriers peuvent voir l’auberge fortifiée à cent mètres et les gobs rebroussent chemin avant de prendre une volée de flèches.
Enfin à l’abri, les aventuriers peuvent prendre un repos bien mérité dans l’auberge-relais. Chambres et dortoirs sont disponibles. Le repas va bientôt être servi. Si la salle n’est pas comble, elle est bien remplie et un véritable concert de voix accueille l’équipe quand elle se décide à aller souper. Quinze personnes dînent autour de deux grandes tables et quelques enfants jouent près de l’âtre. Trois des huit gardes de l’auberge sont au repos dans la pièce et jouent aux dés avec un patrouilleur rural. Rumeurs, histoires et ragots vont bon train, d’abord autour des tables puis au coin du feu à mesure que les assiettes et les verres se vident. L’hiver persistant occupe bien sûr nombre de conversations mais d’autres sujets de discussion fleurissent peu à peu, des nouvelles s’échangent. Au fil de la soirée, les aventuriers entendent parler:
- de la tribu gob : leur campement est proche, à moins d’une heure de marche. Des chasseurs l’ont découvert voilà peu et ont averti le baron local, dont la réaction est fort attendue. Installés dans la région depuis quelques saisons, ces sauvages pillent les récoltes et attaquent les fermes et convois isolés. Ils sont une menace mais l’auberge est un refuge sûr.
- du flanc noirci de l’auberge : la foudre a frappé deux fois le mois dernier. Elle a fendu un vieil arbre du potager puis touché le mur de rondins. Les dégâts auraient dû être réparés mais entre le mauvais temps et les accès de fainéantise du patron, les travaux n’ont pas été faits. « N’empêche que ça fait un point faible dans leur petite muraille… et que ces deux coups de foudre sont à coup sûr un mauvais présage ! »
- de l’Hiver : on pensait voir venir le printemps, les premiers bourgeons et tout le tralala… mais au contraire, il fait chaque jour plus froid et les paysans s’inquiètent. Il paraît même que le lac à l’Est a regelé.
- des Loups d’Arsheim : les brigands qui sévissent dans la région sont connus sous le nom de Loups d’Ar¬sheim, un certain Ludwig étant à leur tête. Ils volent les temples et attaquent villes et voyageurs à travers toute la province. On prétend que leur repaire est à flanc de montagne, loin au nord, mais d’autres racontent qu’il se trouverait au « Cœur des bois ». Un lien avec l’auberge ?
- des légendes locales : la statue de la chapelle de Chloris est une des curiosités de la région. Si l’édifice est tombé en ruine, la déesse n’a pas changé, ses couleurs n’ont pas terni, on pourrait la croire douée de vie si ce n’était son immobilité. Chaque année, des personnes se déplacent de loin pour venir la voir, artistes, esthètes, érudits… et les voyageurs ou pèlerins faisant halte entre deux étapes sont invités par les villageois à aller admirer cette merveille.
- d’Oblis : un mystérieux comté disparu dans les Brumes voilà près d’un siècle et qui vient comme par magie de réapparaître. Les lieux et leurs occupants s’étaient volatilisés en une nuit. Aujourd’hui, il semblerait que la région s’éveille d’un long sommeil et que le temps ne se soit pas écoulé pour le peuple du comté. Plusieurs voyageurs ne croient pas à cette histoire et traitent ces rumeurs de fariboles.
La nuit est tombée depuis longtemps lorsque les sentinelles transies postées sur le mur d’enceinte tressaillent : un grand incendie s’est déclaré loin à l’Est, la lueur de ses flammes visible malgré les rafales de neige. Pour les guetteurs, il pourrait s’agir du camp des gobelins. Une question leur brûle les lèvres : « Mais qu’est-ce qu’ils foutent ? ». Les gardes se précipitent dans la grande salle pour annoncer la nouvelle. Les aventuriers s’étant attardés autour d’une discussion (ou d’une partie de dés) ont la primeur de l’information. Quelques minutes après l’annonce de cet incendie, toute l’auberge se réveille en sursaut en entendant les gardes hurler « Peaux vertes ! ». Des gobelins terrorisés se ruent sur l’auberge. Toute la tribu se jette littéralement sur les murs du rempart, de la folie dans les yeux. Jamais on n’avait vu ça. Les plus observateurs ne manqueront pas de noter la panique dans le comportement de leurs ennemis. L’affrontement est épique : c’est un combat pour la survie. Après quelques minutes à l’avantage des hommes d’armes, qui profitent de l’abri du rempart et ont renforcé la grande porte, une faille dans la défense (le mur de rondin affaibli au niveau du potager) laissera les peaux vertes survivantes (une trentaine) s’engouffrer dans la cour à la suite de leur chef. Le rapport est de un contre deux, ce qui annonce un combat difficile mais favorable aux guerriers de l’auberge. Évidemment, en héros qui se respectent, le chef gob sera pour les aventuriers. Au plus fort de l’attaque, certains disent avoir remarqué à l’orée de la forêt, sous la neige qui tombe drue, d’étranges silhouettes bleutées. Parmi eux, Gewurz est intrigué. Les autres témoins n’en parleront qu’en frissonnant et sans vraiment savoir ce qu’ils ont entraperçu.
L’affrontement est terminé, l’heure est venue de compter les morts et de soigner les blessés. Mais le tenancier du Cœur des Bois est inquiet (« quel événement a pu ainsi affoler des gobelins ? ») et demande des volontaires pour une expédition de reconnaissance au camp des peaux vertes, histoire de comprendre ce qui s’est produit. Une petite troupe se forme, composée de gardes, de visiteurs piqués par la curiosité, d’aventuriers motivés et de quelques gardes forestiers qui ne font que leur devoir. Ceux-ci connaissant la forêt, le trajet se fait sans grande difficulté et la distance est parcourue en l’espace d’une heure seulement, bien que le groupe prenne soin de se déplacer aussi silencieusement que possible. Le camp des gobs est dévasté. La moitié des tentes fume encore tandis que les autres sont entièrement couvertes de glace. D’autres éléments inquiètent. Ainsi, au milieu des traces laissées par les gobelins, d’étranges empreintes de pas marquent le sol... ni gobs, ni animales (ou d’aucun animal connu préciseront les forestiers présents). Les plus nettes évoquent des créatures probablement bipèdes mais qui laissent parfois des espaces curieusement irréguliers entre leurs pas. Quant aux empreintes, toutes en longueur, elles sont entourées d’une multitude de sillons et de marques laissant deviner au moins trois griffes imposantes. Aucun de ces éléments ne va dans ce sens mais un chasseur avoue dans un tremblement qu’il pense à des mantes religieuses géantes. La neige cesse de tomber, le vent de souffler. Au loin, les arbres craquent, tremblent. La majorité du groupe, mal à l’aise, est favorable à un retour immédiat vers l’auberge. Les aventuriers insistent pour s’attarder un peu et pour rechercher la source de ces bruits dans les bois, ils découvriront d’autres traces inquiétantes, énormes, témoignant du passage d’une gigantesque créature. Heureusement, les empreintes ne se dirigent pas vers l’auberge. La mission de reconnaissance est finie et il est l’heure de rentrer.
Passage au Niveau 2Au petit matin, après un déjeuner copieux au milieu des gravats et autres débris (et un sympathique coup de main aux travaux de remise en état, nettoyage, mise en terre des défunts…), vient l’heure de repartir vers Vercélise, à une bonne journée de voyage. Si le ciel est clair, la neige drue tombée la veille forme un épais tapis et l’air reste froid et humide. Sur le chemin, la forêt perd peu à peu de sa densité et dans l’après-midi l’équipe atteint la limite des bois. Devant eux s’étend une longue plaine vallonnée parsemée de solides demeures qu’entourent de larges champs couverts de neige et d’imposants bosquets. À la tombée du jour, le groupe atteindra par le sud une petite bourgade dépourvue de murailles concentrant un beau nombre d’habitations, dont plusieurs sur deux étages (l’hôtel de ville, l’auberge « Au toit fleuri »…) et un temple. Sur le trajet, le marchand livre quelques succinctes informations sur les lieux. Au nord du village, à une heure de marche et à l’orée d’un grand bosquet sombre, se trouve une ancienne chapelle en ruine où repose la merveille locale, une magnifique statue antique représentant une déesse printanière, la fille du Seigneur de l’Hiver. À l’Est, le bois et la plaine se partagent un magnifique lac à la surface partiellement gelée et aux berges ombragées par une épaisse végétation que surmontent des hêtres et des bouleaux centenaires. La Reverdie, une douce rivière, ondule depuis les montagnes lointaines et traverse le village avant de se perdre dans le lac. En remontant son cours vers l’ouest plusieurs jours durant, on peut grimper et gagner une passe menant jusqu’à la ville principale d’Arsheim, Hauterive, où le Baron règne depuis sa demeure : Castel-Froid. Les remparts du château du Baron dominent Hauterive et sont visibles par beau temps, lorsque le soleil éclaire les flancs des montagnes du nord.
À l’arrivée des aventuriers à Vercélise, la population est réunie sur la place centrale où se serrent côte à côte l’hôtel de ville, le temple local et les principales échoppes et tavernes. Le Conseil des Sages, qui aide le bourgmestre dans sa tâche, a trouvé la raison de ce second hiver et l’annoncera publiquement le lendemain à midi. Depuis le parvis de l’hôtel de ville, la voix du bourgmestre tonne : « Si quelqu’un a des choses à déclarer, il a la nuit pour se décider »... Bien entendu, durant la soirée, toute la ville (et toutes ses tavernes) ne parle que de l’événement. Or, ce soir les aventuriers sont encore logés aux frais du marchand, à l’auberge « Au toit fleu¬ri ». Klaus les abandonne pour régler ses affaires dans la bourgade mais n’oublie pas de payer les sommes dues à chacun. Partant le lendemain, il attendra la déclaration du Conseil (quel curieux !) et en profitera pour saluer les aventuriers avant de repartir au Sud colporter le récit de son aventure. Au matin, Vercélise se réveille dans l’attente de la nouvelle portée par le Conseil. Devant toute l’assemblée, sans tergiverser, le bourgmestre Barral Rogenat fait sa déclaration : « Un outrage a été commis dans la province d’Arsheim et ses habitants subissent le courroux d’une ancienne divinité païenne. En effet, le Conseil a découvert la disparition de la statue de Chloris, la fille du Seigneur de l’Hiver, arrachée au sol sacré de sa chapelle. La situation est grave et le coupable ne s’est pas dénoncé en dépit de la chance qui lui a été laissée hier. L’affront fait aux anciens dieux doit être lavé et une juste récompense sera remise à quiconque pourra nous aider dans cette entreprise ». C’est la reprise des affaires pour les aventuriers. Ils s’avancent et se portent volontaires. Le Conseil les accueille et leur donne toute information utile. La mission que le Conseil des Sages et le Bourgmestre confient aux aventuriers est simple : retrouver la statue et la ramener en son temple, et, si cela semble s’imposer, punir les fautifs pour les affronts perpétrés contre la divinité. La récompense est une belle somme : 40 pièces d’argent.
Les aventuriers décident de rendre d'abord visite au Père Thomas. C'est un homme cultivé et bonhomme que tout le monde a bien accepté dans le village. Il accepte de conduire les aventuriers jusqu'à la chapelle. Le prêtre admet bien volonté que la fille de l'hiver avait encore du succès malgré la domination de plus en plus grande de l'Unique. Les terres défrichées pour la culture des champs s’arrêtent abruptement à une centaine de mètres de la chapelle de Chloris, enfoncée dans un bosquet sombre mêlant les épineux et les arbres à feuillage persistant. Le lieu est calme et les ruines conservent une certaine noblesse en dépit des outrages du temps. La taille du lieu de culte, à l’évidence, a toujours été modeste, mais l’attention portée à l‘architecture, aux mosaïques, aux frises, et la qualité des matériaux employés témoignent d’une dévotion respectueuse pour la petite déesse locale. Des blocs de pierres ouvragées, quelques murs brisés et une voûte encore dressée encerclent le socle où se trouvait il y a peu encore la statue disparue. À la taille du socle et en se fondant sur les descriptions des villageois, les aventuriers estiment la taille de la statue à 1,70 mètre. D’un réalisme époustouflant, la représentation de la jeune déesse la montrait debout, un bras replié contre le sein et l’autre tenant une gerbe de lys. La disparue avait des cheveux d’or, des yeux couleur de ciel et la peau laiteuse. Dépourvue de bijoux, elle était vêtue à la mode du nord ancien, dans un style voué à rappeler le caractère martial de son père : hautes bottes lacées, jupon clair recouvert par une jupette à franges de cuir et bustier orné d’écriture antiques. Son visage semblait pensif et serein. Au sol, entre les pavés recouverts de mousse et de végétation, les aventuriers trouvent quelques croquis de la statue dessinés d’une main experte. Les pages sont signées Carselo, un nom qui n’évoque rien au Père Thomas. En examinant attentivement le socle de la statue, les aventuriers découvrent quelques marques laissées par des outils. Les traces ne correspondent pas à des outils de sculpteur mais plutôt à des objets inappropriés, voire grossiers ; une entaille notamment, semble avoir été faite à la hache. Une exploration minutieuse des environs révèle aussi, au pied d’un vieux frêne derrière le bâtiment, une bande de velours bleue déchirée, probablement issue d’un manteau élégant, ainsi que de légères traces de sang. Plus loin, dans une flaque de boue, les aventuriers notent l’empreinte d’un fer à cheval plus épais que la normale. En rentrant au village, Grimbergen a une discussion mouvementée avec le prêtre. Le nain soupçonne l'implication du prêtre dans l'affaire, d'autant plus que celui-ci referme subrepticement une porte du temple devant le guerrier.