Cassandre… elle s’appelait Cassandre. Elle était son
Yr’Lyeh. Un mot en Haut Idiome Melnibonéen qui signifie à la fois le refuge, le foyer, et l’être aimé. Il aimait la taquiner avec ce mot intime dont elle ignorait la signification profonde.
Obarian l’avait rencontrée lors d’une de ses nombreuses incursions nocturnes dans l’enceinte de la grande bibliothèque de l’université de Cadsandria. Le jeune sang-mêlé avait été accepté au sein de la célèbre université du royaume Argimliar de par l’influence supposée d’un père qu’il n’avait jamais connu. Mais bien que le Chancelier ait toléré sa présence, Obarian sentait de la part des autres étudiants et des enseignants que sa place n’était pas parmi eux…
Pourtant, et bien qu’il ait décidé d’enrichir ses connaissances ailleurs, au-delà des murs de Cadsandria, auprès d’un Sorcier qui priait secrètement les Ducs du Chaos, Obarian ne pouvait tirer un trait définitif sur les œuvres littéraires de la bibliothèque. De plus, sa maîtrise des runes de passage lui permettait d’aller et venir à son aise une fois la nuit tombée, et les couloirs de Cadsandria déserts.
Cassandre de son côté était la fille d’un prince marchand d’Ilmiora qui avait un comptoir dans la cité Argimiliarienne. Elle n’était pas étudiante, mais était tout autant passionnée par les parchemins et les connaissances qu’ils contenaient. Elle était également une excellente acrobate et connaissait bien les recoins de l'université, et bien des moyens d’arriver à ses fins.
Nuits après nuits, les deux jeunes gens feignaient de s’ignorer, tout en ne cessant de s’observer discrètement. Obarian, habitué qu’il était au rejet et à la méfiance ne voulait faire le premier pas, appréciant la simple présence de la jeune femme en ces lieux. Cassandre de son côté était intriguée par le Sang-Mêlé, mais pas particulièrement effrayée ou repoussée par ce dernier. De par les activités de son père, elle avait déjà croisé quelques-uns de ces semi-Melnibonéens, et connaissait la douleur de la solitude qui imprégnait leur existence.
C’est elle qui fit donc le premier pas. Durant l’année qui suivit leur rencontre, elle fut pour Obarian une amie, une confidente, et son premier et unique véritable amour. Le seul être qui l’aima, et qu’il ait aimé. Elle ne comprenait pas toujours la fascination du jeune homme pour les arts sombres, mais elle savait qu’il s’y donnait corps et âme pour palier un profond manque en lui. Une douleur qu’elle ne put jamais totalement effacer, mais qu’elle s’efforça d’atténuer avec son charme, sa joie de vivre et sa soif d’aventure.
Ils se marièrent à la fin de cette première année, bien que Cassandre ai du faire preuve de persuasion auprès de son père, glissant certainement qu’un sorcier pouvait aider à faire d’avantage prospérer l’entreprise familiale.
Mais cela pris fin abruptement lors d’un raid de pirates et d’esclavagistes sur les côtes d’Argimiliar. Le comptoir du père de Cassandre fut mis à sac, et la jeune femme portée disparue.
Obarian mis toutes ses ressources, aussi bien financières que mystiques, pour retrouver la trace de Cassandre. Ses pas le menèrent sur l’île de Pan Tang ou son amour était détenu en esclavage. Il parvînt à la retrouver et tenta de fuir avec elle, mais le nouveau maître de Cassandre ne l’entendit pas de cette oreille et fit poursuivre les amoureux en fuite.
Sous une pluie battante, les hommes de main et les minions du maître PanTangien acculèrent rapidement le couple au sommet d’une falaise escarpée, au sol instable. Sentant leur mort imminente, Cassandre glissa à l’oreille d’Obarian ses derniers mots, porteurs de l’amour inconditionnel qu’elle lui portait. A son tour, le jeune Sorcier lui promit qu’il la sauverait de sa condition, quitte à y laisser sa propre vie. Cassandre savait qu’ils mourraient tous deux si Obarian refusait de l’abandonner.
Elle lui déclama :
« Vit, toi. Et fait moi revivre à tes côté comme tu l’as lu dans tes livres anciens. Ainsi, même la mort ne pourra nous séparer. ».
Le Sang-mêlé voulut lui dire que cela lui était impossible, que le corps, une fois séparé de son âme, ne saurait revivre de la même manière, et qu’une telle promesse et prouesse était hors de ses capacités de Sorcier. Mais les mots ne vinrent pas assez vite, et, sans qu’il pu l’en empêcher, Cassandre se jeta sur les armes de leurs poursuivants.
« Fuit. Fuit, et vit. », lâchât-elle dans son dernier soupir. La douleur de cette vision déchira le cœur et l’âme d’Obarian qui hurla sa colère, son désespoir, et sa haine au visage des meurtriers de son amour. Aux cris du jeune homme répondit le grondement de la terre, et celui du glissement de terrain qui suivit, projetant les corps, animés ou non, dans l’océan en contrebas...
...
Obarian se réveilla sur une plage de rocaille, parmi les corps des gardes, et non-loin de la dépouille de Cassandre. Après s’être laissé aller à sa douloureuse peine un long moment, il enveloppa Cassandre dans sa cape et la porta jusqu’à une grotte semi-immergée non-loin de là. Il apposa les runes de garde et de protection autour de la dépouille de son aimée et, manquant de temps et d’énergie pour faire mieux avant que n’arrivent les maîtres-chiens et leurs molosses qu’il entendait déjà, il traça sur la peau de Cassandre une dernière rune de transfert.
Tentant d’éloigner les traqueurs de la sépulture de son épouse, Obarian longea la côte jusqu’à trouver un frêle esquif qu’il mit à l’eau. Il ne fallut pas longtemps pour que son navire de fortune ne prenne l’eau de toute part, mais le jeune Sorcier eu la chance de croiser la route d’une caravelle marchande qui voguait vers l’inconnu.
C’est le corps glacé, et l’âme en peine, brisé sous le poids d’une promesse impossible, qu’Obarian perdit enfin connaissance…